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Fragile Fanou
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5 août 2014

Moi je choisis Philia, tu me suis?

* Éros « l’amour qui prend » : Divinité de l’amour chez les grecs (cupidon chez les Latins), Éros est le symbole de l’amour dans sa dimension sexuelle.
- Pour Empédocle (V av JC), Éros est le principe fondamental même des éléments du Monde en tant que « concorde momentanée» des opposés
- Pour Platon (IV av JC) Éros est présenté comme un démon (Le banquet), un être double, fils mythique d’une part de Pauvreté (Pénia), donc de manque et d’autre part de Ressource (Pôros), donc de richesse de nature divine pour lui.
- Pour Freud, c’est l’équivalent de libido, de pulsion sexuelle appelée aussi élan vital qui constitue l’une des deux pulsions fondamentales de la psyché et de la destinée humaines, l’autre étant Thanatos, la pulsion de mort. Éros et Thanatos sont dans une véritable dialectique, à la fois opposés (Éros unit, Thanatos désunit) et inséparables (il y a de la mort dans Éros).

* Philia « l’amour qui partage, autrement dit qui prend et donne » : C’est le souci de l'autre (amitié, solidarité) dont parle Aristote.
La philia, quel que soit l'équivalent français adopté, c'est :
- La réserve de chaleur humaine, d'affectivité, d'élan et de générosité (au-delà de la froide impartialité et de la stricte justice ou de l'équité) qui nourrit et stimule le compagnonnage humain au sein de la Cité: et cela à travers les fêtes, les plaisirs et les jeux comme à travers les épreuves.
- C'est aussi le sentiment désintéressé qui rend possible de concilier, comme le veut Aristote, la propriété privée des biens et l'usage en commun de ses fruits, conformément au proverbe -repris par l'auteur de la Politique à l'appui de sa thèse opposée à celle de Platon- qu'entre amis "tout est commun".

* Agapè « l’amour qui donne » : C’est la philia poussée jusqu’à l’universel en tant que don sans contrepartie dans sa dimension mystique ou religieuse.
Connu de la littérature païenne, présent dans l'œuvre de Philon d'Alexandrie (~ 20 env.-45 env.), le concept d'agapè peut être considéré comme synonyme :
- D’amour au sens de charité (caritas traduction d’agapè en latin) dans la tradition chrétienne
- Ou de « Tout amour » sous tendu par la vacuité du moi (égo) dans la tradition bouddhiste. .

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a) Éros : Attirance sexuelle, désir, manque, concupiscence et captation « l’amour qui prend »

Si, comme le pense Platon, aimer c’est désirer ce qui manque, on peut aimer « érotiquement » sans être aimé.
Si l’on considère que le viol en tant que passage à l’acte sous l’emprise du désir non réciproque fait partie de cette façon d’aimer, on retrouve bien là le « fameux démon » dont parle Platon au sujet d’éros

Si, comme l’estiment Aristote et Spinoza, aimer c’est se réjouir, on peut également concevoir qu’il soit théoriquement possible d’aimer érotiquement sans être aimé (jouissance solitaire).

Pourtant, si l’on considère que dans l’expression « se réjouir » il y a un côté convivial qui tend à exclure la jouissance solitaire, on pourra mieux saisir ce qui différentie les courants de pensées aristotéliciens et platoniciens.

Bien qu’il apparaisse évidemment paradoxal et choquant d’associer amour à viol, on pourra néanmoins faire à cet égard le lien avec ce que pense Freud lorsqu’il estime qu’ Éros et Thanatos sont étroitement imbriqués, autrement dit qu’il y a de la mort dans éros et de la haine sous jacente au désir en cas d’obstacle.

b) Agapè : Amour universalisé, bienveillance sans contrepartie « l’amour qui donne »

Agapè, c’est l’amour qui donne sans contrepartie, si ce n’est par plaisir de donner ou de se donner.

Agapè qui donne est à l’opposé d’Éros qui prend.

Agapè n’attend rien pour soi. Agapè n’a pas d’amour propre (cet amour de soi sous le regard de l’autre).

Agapè est pur amour universel dans lequel le moi tend à se dissoudre.

Par définition même, en Agapè, on peut aimer sans être aimé.


c) Philia : Amitié, solidarité, souci de l’autre dans la réciprocité « l’amour qui partage »

L’amour-philia c’est se réjouir ensemble. Convivialité du plaisir partagé, la Philia est réciproque ou elle n’est pas.

On peut qualifier de « philia de l’éros » les rapports sexuels dès lors qu’ils sont la satisfaction d’un désir réciproque et si, notamment, le souci du plaisir de l’autre est aussi important que son propre plaisir

Mais la philia c’est aussi savoir se mobiliser pour l’autre lorsqu’il est dans l’épreuve. C’est donc être attentionné. L’amour-philia est solidaire pour que perdure la joie ou il n’est pas.

Tout comme en amitié, on ne peut aimer durablement en amour-philia sans être aimé. Pour que cet amour dure, il faut que chacun y trouve son compte; ce qui n’est pas forcément une mince affaire, d’autant que c’est souvent ceux qui attendent beaucoup de l’amour qui, paradoxalement, sont le moins prêts à aimer.


On peut aimer sans être aimé sous l’emprise d’Éros et d’Agapè pour des raisons diamétralement opposées :
Éros en tant que possession/captation de l’autre pour soi et Agapè en tant que don à l’autre.

Philia, en position intermédiaire entre les pôles extrêmes que constituent Éros et Agapè, les tempère dans la réciprocité. Philia est un échange/partage entre l’amour qui prend (Éros et amour propre) et l’amour qui donne (Agapè), tant au plan des plaisirs (avec ou sans dimension érotique) qu’au plan de la solidarité et de l’entraide. « Aimer sans être aimé » n’a a priori aucun sens en amour-philia puisque chacun doit y trouver son compte.

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Fragile Fanou
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