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Voilà j’ai dix ans et un grand événement arrive, quelque chose qui bouleverse tout, Mai 68. Pour moi cette année là sera celle de la rencontre avec un homme, une voix, une mélodie qui viendront percuter ma vie, Julien. Une bombe d’émotions qui me saute au cœur, et rien ne sera plus jamais comme avant .Rien c'est-à-dire tout !!!!!!

A l’âge où l’enfance se termine où des changements s’opèrent, cet artiste a éveillé mes sens déjà exacerbés, et a déclenché un processus qui n’est pas prêt de s’arrêter mais qui m’a sauvée je le pense sincèrement de pas mal d’errances.

C’est là que j’ai commencé à changer, que j’ai commencé à vivre deux vies parallèles, que j’ai ressenti ma différence, que j’ai ressenti le manque…

Comme tous les adolescents je me suis sentie différente, à part, j’ai cherché, je n’étais pas prête de comprendre. Mais dans ce puzzle qu’est mon moi, il me manquait encore pas mal de pièces.

C’est à partir de là que ma vie s’est déclinée sur la sensation, l’émotion. Ressentir, vivre intérieurement, imaginer, rêver, aimer sont les mots qui régnaient en maitres, comme fuir, oublier, se passer de la réalité, pleurer, souffrir aussi. Ils seront aussi très amis avec s’effacer, se cacher, se renfermer.

La peur, l’autorité sont toujours les gardes fous de mon âme, ceux qui m’enfermeront, ceux qui me blessent mais aussi sans doute ceux qui me sauveront de moi. J’écris, je noircis des pages, j’écoute de la musique, je lis, c’est là que je vis.

Pour la vraie vie ? Je ne sais pas bien, la mélancolie me colle à la peau, mon maitre mot c’est ne pas oser, ne pas avoir confiance, ma rébellion est passive, ne rien faire plutôt que de mal faire, je suis paresseuse, absente de ma vie, je vis plus dedans que dehors. La reine du camouflage, de la dissimulation, être le plus lisse possible, ne pas se faire remarquer, se fondre dans les murs, et à l’intérieur exploser.

Un autre nom que celui de Julien va s’associer au mien c’est Marseillan Plage, ce lieu va me sortir régulièrement de ma léthargie. Pour la petite histoire, les membres de la tribu des 5 , mes cousins vivent dans l’Hérault alors les vacances c’est l’hiver à Paris et Pâques et l’été c’est là bas chez eux.

J’ai fait là bas toutes mes premières expériences, oui oui toutes. Première amitié vraie, premier amour, premier baiser, première relation sexuelle, premier chagrin, premier tromperie, première double vie….

J’ai tout vécu là bas à 200 à l’heure en étant réellement moi, avec le cœur à nu, l’âme ouverte, si j’avais été moins sage, si j’avais eu moins peur j’aurai vécu là bas et ma vie aurait été différente.

J’en ai pleuré des jours et des nuits de retour à Paris, vous me manquiez et je me manquais tellement.

Ce qui est extraordinaire c’est que mes souvenirs de là bas sont précis, je peux tout revivre, je peux refaire le chemin de ma première rencontre les yeux fermés, je revois le visage de tous mes amis, de tous mes amants (oui en même temps, ils étaient pas si nombreux), je revois mes doigts qui touchent les siens, les rires de nos jours et les délires de nos nuits. Pourtant je n’ai aucune image du collège, très peu de mon premier lycée, pas d’image vivante comme si j’avais été absente de ma vie.

Il y a dans ma vie un truc qui ne fonctionne pas, une pièce qui manque, une erreur, un bug ?

Et si la pièce manquante déréglait tout, mais je l’ai perdue quand ? elle est où ? Ca vient d’où ce souci ?

Bien sur je sais inconsciemment où elle manque, c’est dans mon cœur qu’il y a un énorme trou qui ne se referme jamais quoi qu’il arrive, ça me fait manquer de courage, d’amour, de vie quoi.

Parfois ça saigne moins, je construis des pièces de rechange, mais c’est pas gagné pour toutes les autres fois parce que les pièces c’est comme les rustines ou les pansements ça tient pas longtemps et puis ça soigne pas, ça colmate.

Comments

[Loukristie]

Toute plaie refermée laisse une cicatrice... et pourtant, le tissu y est plus résistant, et le coeur devient plus fort à l'endroit de la cassure... J'ai lu tes lignes jusqu'à m'en imprégner, et me donner l'envie de t'aimer plus fort ! Bisous émus...